Kukum a changé la vie de l’auteur et journaliste Michel Jean qui débarque au Festival Frye à Moncton avec son nouveau roman Qimmik, une œuvre sur la sédentarisation forcée du peuple Inuit.

Si aujourd’hui Michel Jean a le sentiment d’avoir plus de liberté comme écrivain, c’est un peu à cause du succès de son roman Kukum sur la vie hors norme de son arrière-grand-mère et l’enfermement des réserves. À sa sortie en 2019, cette œuvre a fait peu de bruits dans les médias, mais en une année, le livre s’est hissé parmi les meilleurs vendeurs au Québec pour ensuite faire le tour du monde pour atteindre plus de 200 000 exemplaires vendus et récolté de nombreux prix.

«C’est que ça m’a donné de la liberté, dans le sens que je peux plus facilement écrire ce que je veux maintenant. Je peux faire les choses plus par choix et surtout ça m’a ouvert les portes de l’Europe, du Québec, du Canada anglais aussi, ce que mes autres livres n’avaient pas réussi. Ça a changé le regard des gens, des lecteurs qui se sont intéressés à ce que j’écrivais. Pour moi, c’est précieux aujourd’hui», a relaté l’auteur innu en entrevue à l’Acadie Nouvelle.

Michel Jean mène de front deux carrières, celle de romancier et de chef d’antenne au réseau TVA.

Quand il écrit, peu importe le sujet, il pense toujours aux lecteurs et non à impressionner les gens avec un style littéraire.

«J’essaie vraiment de faire en sorte que les lectrices et les lecteurs soient capables de se mettre à la place des personnages et vivent ce que le personnage vit et ressent autant dans les scènes où il y a de l’action que dans les scènes personnelles.»

Même pour un sujet aussi difficile que l’itinérance autochtone dans son roman Tiohtià:ke, il essaie toujours de faire en sorte que les lecteurs se rattachent à l’histoire.

Pour écrire son 8e livre Qimmik (chien en inuktitut), l’auteur a mis deux années de travail et de recherches. Selon lui, cette histoire du peuple Inuit, forcé d’abandonner son mode de vie nomade pour se regrouper dans 14 communautés, mérite d’être connue. Cette réalité ne figure pas dans les livres d’histoire, rappelle-t-il. Jusque dans les années 1950-1960, ce peuple des régions nordiques du Québec avait encore un mode de vie traditionnel, en vivant dans les igloos l’hiver, avec un territoire de chasse immense. C’est à travers le récit d’un jeune couple du Nunavik, Saullu et Ulaajuk, accompagnés de leurs chiens nordiques, se déplaçant sur un continent encore sauvage, libre et solitaire qu’il raconte cette histoire en deux temps. C’est aussi le récit d’une avocate Ève qui défend un meurtrier Inuk quelques décennies plus tard.

Pas seulement la faute des Anglais

L’auteur a voulu démontrer que le sort des Autochtones ne relève pas seulement des Anglais ou d’Ottawa et que la colonisation en Amérique du Nord s’est faite autant en anglais, en français, en espagnol et en portugais. Michel Jean précise que les Inuits n’ont pas un statut autochtone, n’étant pas reconnus par la Loi sur les Indiens. Ce sont des citoyens du Québec avec un statut un peu particulier depuis la signature des accords de la Baie James.

«Ce sont les francophones de Québec qui les ont sédentarisés. Puis ils ne voulaient pas rester dans les 14 communautés où on les a regroupés. Et pour des raisons évidentes, parce qu’un chasseur Inuk, c’est comme un ours, ça besoin d’un grand territoire pour vivre. Si t’en mets 200 dans un village, ils ne vivent pas. Donc ils partaient. Et à ce moment-là, la décision qui a été prise par le gouvernement, pour les empêcher de partir, ça a été de tuer les chiens.»

Cette campagne d’abattage massive qui s’est faite devant les familles qui a complètement décimé les chiens de traîneau a créé un profond traumatisme.

«Comme nous les Premières Nations, c’est souvent les pensionnats qui sont les plus grands traumatismes […] et pour les Inuits, c’est le massacre des chiens. […]»

C’est la toile de fond du roman, mais l’histoire se déroule surtout avant et après « cet événement honteux de l’histoire canadienne dans un passé récent.»

Comme il ne connaissait pas le territoire des Inuits, il a mené beaucoup de recherches afin d’être le plus fidèle possible à leur mode de vie. Son travail de journaliste l’a aidé dans ses recherches.

Il a fait lire son manuscrit à un ami Inuk qui travaille pour l’Institut culturel Avataq. Même si les personnages sont fictifs, l’auteur trouve important qu’il y ait un message et une intention derrière chacun de ses romans.

Des romans avec des personnages féminins forts

Dans sa vie et dans sa famille, Michel Jean a toujours été entouré de personnages féminins forts. «Ce n’est pas intentionnel dans le sens que je ne cherche pas à créer un personnage féminin fort pour avoir un personnage féminin dans le roman, ce sont les personnages qui me viennent. J’aimais le personnage de Saullu là-dedans, plus jeune et plus vieille. J’aimais le personnage de l’avocate qui était un peu comme moi dans le fond.»

Un peu comme l’auteur, Eve a grandi dans un autre monde loin de ses origines et vers la fin du roman, elle s’interroge sur sa part autochtone.

L’auteur travaille à l’écriture du scénario d’une adaptation cinématographique de Qimmik qui sera réalisée par Anik Jean. Des projets de séries télévisées des romans Kukum et Tiohtià:ke sont en développement.

Bien que Michel Jean ait déjà participé à quelques reprises à des salons du livre au Nouveau-Brunswick, c’est la première fois qu’il prend part au Festival Frye. Il participera à deux entretiens samedi.

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