Par Acadie Nouvelle
Higgs veut remplacer la tarification du carbone par le développement du gaz de schiste
Selon le premier ministre Blaine Higgs, la tarification du carbone n’est pas efficace pour réduire la production de gaz à effet de serre. Mieux vaut développer l’industrie du gaz de schiste au N.-B. pour en faire l’exportation en Europe, d’après lui.
Lors d’une comparution virtuelle à une réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires à Ottawa, le premier ministre Blaine Higgs s’est opposé à la tarification du carbone et a fait part de son idée pour la remplacer.
En gros, il juge que la tarification du carbone au Canada a un impact limité sur la production de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, puisque selon lui, la Chine augmente son utilisation de charbon.
Toujours selon le premier ministre, il vaut mieux cesser la tarification du carbone et développer l’industrie du gaz de schiste au N.-B., puis exporter ce gaz naturel liquéfié en Europe.
«C’est ça le plan, c’est simple. Et ça créerait 3 milliards $ d’investissement à Saint-Jean», a lancé le premier ministre à des députés fédéraux par visioconférence jeudi.
«Nous ne voyons pas assez grand. On ne peut pas avoir un impact mondial avec la pensée étroite actuelle, de dire simplement “et le Canada?”»
Selon lui, si le N.-B. parvient à développer l’industrie du gaz de schiste avec l’accord des Premières Nations, l’entreprise Repsol accepterait sûrement d’investir pour ajouter la capacité de liquéfier du gaz naturel à son terminal à Saint-Jean.
Sept des dix premiers ministres du Canada ont demandé au gouvernement fédéral de mettre fin à la tarification du carbone. Le premier ministre Justin Trudeau leur a répondu en leur demandant de proposer des alternatives.
Blaine Higgs affirme que sa suggestion n’augmenterait pas la production de GES parce qu’elle permettrait de remplacer l’utilisation du charbon comme moyen de produire de l’électricité.
Le gouvernement fédéral exige déjà que les provinces cessent de carburer au charbon d’ici 2030.
Des doutes
Un journaliste a demandé à Blaine Higgs s’il croit que Pierre Poilievre devrait annuler l’obligation de cesser de carburer au charbon d’ici 2030 si celui-ci devient premier ministre du Canada.
«Je ne pense pas qu’il aura besoin de le faire, parce qu’en réalité, ce ne sera pas… À moins d’un changement en termes de technologie, soit les petits réacteurs modulaires ou une énorme production d’hydrogène, il n’y aura pas d’option [pour les remplacer].»
Il rappelle que la Nouvelle-Écosse a trois centrales qui carburent au charbon.
Il affirme qu’Énergie NB planche sur l’idée de carburer à la biomasse à la centrale de Belledune, qui brûle actuellement du charbon.
«Mais le coût de faire cela sera très significatif.»
Lors de la réunion du comité, Jenica Atwin, députée libérale de Fredericton, a interrogé Blaine Higgs sur les politiques de son gouvernement provincial.
Elle lui a rappelé qu’il a lui-même vanté les avantages des remises d’argent données aux canadiens en raison de la tarification du carbone lorsqu’il a décidé d’abandonner son propre plan de tarification du carbone pour adopter celui d’Ottawa, en février 2023.
«Cette décision signifie qu’il y a de l’aide qui s’en vient», avait-il affirmé aux Néo-Brunswickois à l’époque.
«Je vois que vous avez récemment changé d’avis. Êtes-vous plus intéressé à faire des jeux politiques que de vous soucier de l’abordabilité des Néo-Brunswickois et de vous attaquer aux changements climatiques?», a demandé Mme Atwin.
Blaine Higgs a répondu qu’à son avis, ces remises en argent ne permettent pas de récupérer tout le coût de la tarification du carbone puisqu’elle affecte aussi le prix des épiceries et d’autres achats.
Le chaos total
La comparution de M. Higgs au comité a été retardée par une chicane partisane. Des députés libéraux, dont Wayne Long, Yasir Naqvi, Charles Sousa et Irek Kusmierczyk, ont soulevé des points d’ordre à répétition pour remettre en question la pertinence de la présence du premier ministre à ce comité et les mécanismes procéduraux qui lui ont permis d’être invité.
Le président du comité Kelly McCauley, un conservateur de l’Alberta, a affirmé que les témoins peuvent tout simplement être convoqués à sa discrétion.
«Sept des dix premiers ministres provinciaux ont écrit au président du Comité des finances pour discuter de ceci, il a refusé, donc j’ai pensé que ce serait bien pour les Canadiens représentés par [ces premiers ministres] qu’ils parlent de cet enjeu», a-t-il affirmé, en ajoutant que la tarification du carbone est une dépense importante au budget et qu’il était donc pertinent d’entendre M. Higgs.
Il a aussi invité d’autres premiers ministres conservateurs à témoigner contre la taxe carbone ces derniers jours, dont Scott Moe (Saskatchewan) et Danielle Smith (Alberta).
Le président a accusé les libéraux de tenter de bloquer la comparution de M. Higgs, ce qu’ils ont démenti.
Cette dispute entre libéraux et conservateurs s’est tout de même poursuivie pendant près d’une trentaine de minutes.
«Vous ne pouvez pas soulever un point d’ordre pendant un point d’ordre», s’est impatienté Kelly McCauley à un moment.
«Je ne participerai pas à toute cette séance de lutte dans la boue, d’autant plus que j’ai un nouveau veston, je n’aimerais pas le salir», a lancé le député Simon-Pierre Savard-Tremblay, du Bloc Québécois.
Une fois que Blaine Higgs a enfin pu commencer sa présentation, deux libéraux sont intervenus à nouveau pour questionner la pertinence de son témoignage, avant d’être rappelés à l’ordre par le président du comité.
Langues officielles
Au lieu de se pencher sur le sujet du jour, Simon-Pierre Savard-Tremblay, du Bloc Québécois, a demandé à M. Higgs combien d’argent le N.-B. reçoit en lien avec la Loi sur les langues officielles, en soutien à sa minorité linguistique francophone.
«Je ne connais pas le nombre exact, mais c’est significatif», a dit Blaine Higgs.
Appelé à élaborer sur les bénéfices de ce financement pour les francophones du N.-B., M. Higgs a mentionné la dualité en éducation, les deux régies de santé, et un «avantage culturel» que le N.-B. n’utilise pas à son plein potentiel, selon lui.
Fidèle à son habitude, le premier ministre a ramené l’immersion française sur le tapis.
«Je veux voir de meilleurs résultats dans notre système scolaire anglophone. […] Mon objectif, si nous sommes réellement une province bilingue, est de former des enfants qui parlent les deux langues.»
Photos:
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Le premier ministre Blaine Higgs, à Fredericton, le 28 mars 2024. – Acadie Nouvelle: Alexandre Boudreau
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La députée libérale de Fredericton, Jenica Atwin, lors d’une réunion de comité parlementaire. Capture d’écran, le 28 mars 2024. – Acadie Nouvelle: Alexandre Boudreau
(J’ai Picasa, mais ça ne me laisse pas ajouter une légende à la photo de Jenica Atwin. Désolé)