En politique, l’expression anglaise «wedge issue» dénote un enjeu divisif utilisé par un parti afin d’attirer des électeurs qui autrement ne seraient pas enclins à voter pour lui.

Au Nouveau-Brunswick, la question des droits des parents en est un bon exemple. Le dossier du gaz de schiste il y a dix ans en est un autre.

On se rappellera que les conservateurs de David Alward avaient fait campagne en 2014 sous le slogan «Disons OUI!», un appel à peine masqué à l’exploitation du gaz de schiste. Les libéraux de Gallant, pour leur part, promettaient un moratoire sur la fracturation hydraulique, une promesse qu’ils mirent en application une fois élus.

Dans un ouvrage collectif publié peu après l’élection, nous écrivions ce qui suit:

«Le gaz de schiste est aujourd’hui au Nouveau Brunswick ce que l’accord de libre-échange avec les États-Unis était au Canada il y a un quart de siècle: une question hautement controversée et très polarisée qui échauffe rapidement les esprits. Comme ce fut le cas pour le débat sur le libre-échange, le discours public sur le gaz de schiste a dégénéré en une guerre de mots dans laquelle les citoyens ont bien peu d’informations sur lesquelles se fier pour se forger une meilleure compréhension de ce qui est en jeu».

Rien n’a vraiment changé depuis. Après dix années de moratoire, nous n’en savons guère plus sur les véritables promesses et périls du gaz de schiste au Nouveau-Brunswick.

Comme le notait l’ouvrage, il n’y a pas deux formations schisteuses qui sont pareilles. Pour bien comprendre les répercussions économiques, environnementales et autres du gaz de schiste, nous devons nous pencher sur le contexte particulier du Nouveau-Brunswick. Or, ce n’est qu’en permettant l’exploration (ce qui ne veut pas nécessairement dire l’exploitation) que nous en saurons davantage dans ce dossier.

Notre ignorance n’empêche cependant pas certains commentateurs de dire n’importe quoi. C’est ce qu’a fait le mois dernier le président-directeur général du Conseil économique du Nouveau-Brunswick dans les pages de l’Acadie Nouvelle.

Dans son texte, celui-ci nous faisait miroiter rien de moins que la possibilité de devenir la troisième puissance économique canadienne, derrière l’Alberta et la Saskatchewan. Autrement dit, fini la péréquation, nous serons riches si nous disons OUI au gaz de schiste!

Revenons sur terre. C’est du gaz naturel que nous parlons ici et non pas du pétrole. Pour comprendre la différence entre les deux en matière de potentiel économique, il suffit de se tourner vers l’Alberta et la Colombie-Britannique.

En 2022, le secteur de l’extraction pétrolière et gazière en Alberta, riche en pétrole, représentait directement environ un sixième (16%) de son économie. En revanche, en Colombie-Britannique, riche en gaz mais pauvre en pétrole, l’empreinte économique du secteur était 10 fois plus petite – cela malgré le fait que cette province produit près des deux cinquièmes du gaz naturel canadien et qu’elle abrite l’un des gisements de gaz de schiste les plus importants en Amérique du Nord.

La suggestion de M. Thomas que le gaz de schiste pourrait propulser le Nouveau-Brunswick parmi les principales puissances économiques du pays – devant l’Ontario et, curieusement, la Colombie-Britannique, pourtant très riche en gaz – est tout simplement farfelue.

Au risque de me répéter, ce n’est qu’en permettant l’exploration que nous pourrons en savoir davantage sur le potentiel économique du gaz de schiste au Nouveau-Brunswick.

Cela dit, il ne faut pas charrier quant à l’ampleur de ce dernier. L’enjeu est déjà assez polarisant. Nul besoin d’ajouter de l’huile (ou du gaz naturel) sur le feu.

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