De retour sur la scène littéraire après 15 années d’absence avec un nouveau récit poétique Mayday à la fois libérateur et complexe, Dyane Léger se réjouit de voir que la jeune génération d’artistes a toujours le feu sacré. La poète et artiste-peintre de Notre-Dame de Kent regarde le monde avec cette étincelle dans les yeux qui ne semble pas vouloir s’éteindre.

Première femme à avoir publié un recueil de poésie en Acadie (Graines de fées en 1980), Dyane Léger regarde dans le rétroviseur en se disant que son apport à la littérature est «une petite goutte d’eau dans l’océan.»

Si elle n’a pas publié de livre pendant 15 ans, il reste que l’écriture est demeurée très présente dans sa vie.

En sortant son 8e recueil, elle a été touchée, émue et bénie de constater que les gens ne l’avaient pas oubliée après toutes ces années. Les gens l’accueillent à bras ouverts.

«J’ai trouvé ça tellement chaleureux, tellement amical. Ce qui est important, c’est le livre, c’est la littérature, c’est les idées, c’est le regard posé sur le monde dans lequel on vit. Puis, je pense que chaque auteur essaie d’apporter un petit peu de lumière dans tout ce bordel-ci qu’on vit tout de suite […]. Il y a le désir de se rassembler aussi. Fait que tout ça pour moi qui ai appris à presque côtoyer des arbres, ça m’a fait un grand bien», a confié celle qui vit dans une maison au bord du bois à Notre-Dame.

Elle n’a jamais arrêté d’écrire depuis son dernier recueil, L’incendiaire, paru en 2008.

«C’est juste que la publication pour moi, c’est la fin d’un projet. Puis comme c’est publié, tu ne peux plus rien changer. Puis je déteste ce côté-là. Je travaillerais le même livre le reste de ma vie et je serais heureuse. J’aime fignoler […] et voir où l’écriture va m’apporter.»

Les débuts de Mayday

C’était un après-midi d’été, son fils était encore petit. Seule à la maison avec son chien, elle était assise dans un hamac à l’ombre d’un arbre, sans aucune responsabilité familiale ou domestique, puis elle a commencé à coucher ses idées sur papier.

«J’ai jeté la base de Mayday, sans savoir, je m’amusais, j’avais du fun, j’étais dans mon élément. Et c’est là que ça a commencé.»

Résolument féministe et écologique, Mayday constitue une odyssée sur l’histoire d’une femme artiste, mais aussi de plusieurs femmes.

«C’est sûr qu’il y a de moi là-dedans, mais il y a aussi trois quarts du monde que ce sont des femmes que j’ai côtoyées. Je pense que c’est l’histoire de la femme, de sa vie à elle, vue aussi par une femme.»

Dyane Léger admire les femmes fortes qui savent à un moment mettre le pied à terre, tenir tête, sans que leur coeur s’endurcisse et qui sont présentes à la vie et à tout ce qui les entoure. C’est cette femme nommée parfois Mam’zelle qu’elle raconte dans ce livre hybride dans lequel se dégage un sentiment de révolte face aux immenses responsabilités qui reposent sur ses épaules.

 

Plusieurs registres de langues

Le recueil se déploie en 13 stations, un glossaire et une série de notes explicatives. Le texte est écrit en français, en anglais, en chiac, en français acadien et autres langues. L’écriture est à l’image de la région où a l’autrice a grandi. Les gens passent facilement du français à l’anglais dans les conversations. Même si elle a jonglé longtemps avec cette idée d’une langue «batarde», elle n’a pas voulu se censurer. Elle a voulu faire honneur à sa langue et à celle de ses parents. Sa grand-mère d’origine irlandaise n’est pas très loin non plus.

«Dès que j’ai lâché les cordeaux, pis que j’ai laissé Mayday parler, ça c’est fait tout seul. Il y avait des choses comme le passage sur la manifestation du gaz de schiste à Elsipogtog, que pour moi je ne pouvais pas les faire en français parce que ça se passait en anglais. C’est sûr que c’est tout un jeu, puis ça ajoute un degré de difficulté à la lecture.»

Elle salue le poète Jean-Philippe Raîche qui l’a encouragée à écrire comme elle en avait envie. «Ça a été pour moi une grande libération. […] Je souhaite que les gens réalisent qu’est-ce que ça veut dire d’écrire un livre comme ça parce que c’est hybride quelque part ou c’est bâtard. C’est sûr qu’il y a beaucoup de murs qui ont revolé pour moi. C’est un livre qui n’est pas nécessairement facile d’approche, mais ça reste poétique, donc c’est une interprétation.»

La poète prévient les lecteurs de bien boucler leur ceinture avant d’entreprendre cette odyssée littéraire. Afin de faciliter la traversée et remercier des gens qui l’ont aidée, souvent sans s’en rendre compte, elle a inclus une section de notes explicatives.

«Pour moi l’écriture, ça a toujours été jusqu’où peux-tu pousser la limite. Un peu comme Alice au pays des merveilles. Tu peux tomber dans le trou, mais vas-tu en sortir?»

Même si elle se demande parfois à quoi sert de passer sa vie à écrire, elle ne pourrait se passer des livres des autres. Sans cela, elle se sentirait isolée.

«Ce qui me fascine, c’est que les gens lisent encore des livres. Ça veut dire que les gens prennent le temps de se recueillir assez pour reconnecter avec eux, puis mettre quelque chose sur papier. Il y a quelque chose de totalement magique là-dedans.»

Sur la couverture de son livre publié aux Éditions Prise de parole, on peut admirer une œuvre de Mélanie Parent, Garder l’équilibre. Dyane Léger participe au Frye Jam, vendredi soir, avec plusieurs autres auteurs et prend part à un entretien littéraire avec l’autrice Mikella Nicol dimanche.

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