Le ministre de l’Éducation Bill Hogan, en s’entêtant à vouloir mettre au pas les conseils scolaires récalcitrants à la politique 713, est en train de s’enfoncer dans une bataille constitutionnelle dont il ne semble pas avoir mesuré les proportions.

Il était évident que la nouvelle mouture de la politique 713, adoptée l’été dernier par le gouvernement Higgs empêchant les enfants de moins de 16 ans d’utiliser le pronom de leur choix à l’école sans consentement parental, allait susciter une contestation judiciaire de la part de la société civile. Ce sont les droits fondamentaux de ces enfants qui sont attaqués, le droit à l’égalité et la liberté d’expression au premier chef.

La sécurité de la personne est également compromise. Les chercheurs ont démontré que les jeunes LGBTQ+ sont beaucoup plus à risque de subir des abus et de la violence familiale à la suite de leur «coming out» – à point tel que cette population constituerait aujourd’hui entre 20 à 40% de la population de sans-abri en Amérique du Nord, selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale du Canada (CAMH). Quand un jeune décide qu’il préfère vivre dans la rue que de rester chez ses parents, ça en dit long sur l’atmosphère qui règne dans le foyer familial.

Ce que le ministre Hogan n’avait peut-être pas vu venir toutefois, c’est que les conseils scolaires eux-mêmes se rebellent, en refusant simplement de mettre en œuvre la politique comme c’est le cas dans les districts francophones, ou en prenant également le chemin des tribunaux comme le District scolaire anglophone Est. Le ministre Hogan a exhorté ce district depuis les dernières semaines non seulement à mettre en œuvre la politique de son gouvernement, mais également à cesser d’encourir des frais d’avocats, dans une tentative de forcer l’arrêt des procédures judiciaires.

Or, en menaçant de dissoudre le conseil anglophone (et potentiellement les conseils francophones à sa suite, s’ils continuent se refuser d’obtempérer), le ministre Hogan vient d’entrer sur un terrain constitutionnel complètement différent, et beaucoup plus glissant. C’est maintenant non seulement son interprétation (contestable) de la Loi sur l’éducation, mais le droit à la gestion scolaire et à des institutions des communautés linguistiques officielles de la province, en vertu de l’article 16.1 de la Charte, qui sont en cause.

Rappelons-le, l’article 16.1 a été enchâssé en 1993 à la suite de l’échec de l’Accord de Charlottetown. La communauté acadienne du Nouveau-Brunswick avait obtenu une promesse d’élever au statut constitutionnel la Loi 81, reconnaissant l’égalité des communautés anglophone et francophone, adoptée à Fredericton en 1981. Or, cet article, surtout pensé pour protéger les institutions de la minorité, deviendrait ici un outil de taille pour défendre la majorité.

Autrement dit, l’un des ministres chouchou de l’équipe Higgs, qui souffle sans vergogne sur les braises de l’intolérance envers les francophones de la province depuis les dernières années, est peut-être en train de démontrer à la majorité anglophone que de reconnaître l’égalité des deux communautés de langue officielle, c’est aussi dans leur intérêt.

En termes de retournement ironique de situation, on saurait difficilement faire mieux.

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