Radio-Canada diffusera finalement d’un océan à l’autre le spectacle du 15 août. C’est une heureuse nouvelle. Nous applaudissons ce changement de cap de la société d’État, qui avait d’abord annoncé ne pas avoir les ressources ni le financement nécessaires. Cela dit, il importe de dénoncer ce vieux réflexe de couper dans la programmation acadienne aussitôt que se profilent des compressions budgétaires.

La décision initiale de Radio-Canada de ne pas diffuser le spectacle de la Fête nationale de l’Acadie n’a pas bien passé, et ce n’est pas peu dire. Les critiques ont été nombreuses et acerbes, y compris sur les ondes d’ICI Acadie où des intervenants ont qualifié ce choix d’inacceptable, de déplorable et de décevant.

Le coup a particulièrement porté du fait que 2024 est l’année du Congrès mondial acadien. Le moment ne pouvait pas être plus mal choisi pour remplacer la diffusion de ce grand spectacle annuel par une simple émission préenregistrée.

La pression avait augmenté d’un cran dans les dernières heures avec la publication d’une lettre signée par huit députés fédéraux du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, y compris Serge Cormier (Acadie-Bathurst), René Arseneault (Madawaska-Restigouche) et Jenica Atwin (Fredericton).

Même si Radio-Canada a fait marche arrière vendredi matin, cette controverse laisse un goût amer.

Nous comprenons les défis financiers auxquels est confrontée la société d’État. En décembre 2023, la PDG Catherine Tait a annoncé des compressions de 125 millions $, incluant l’élimination de 600 emplois et l’abolition de 200 postes vacants. Dans les circonstances, il est aisé de comprendre pourquoi les gestionnaires ont choisi de sabrer la production d’un spectacle plutôt que de couper, par exemple, dans la qualité de l’information.

L’Acadie avait néanmoins été injustement visée. Après tout, il sera impensable que la retransmission de la Fête du Canada ou de la Saint-Jean-Baptiste soit annulée en raison de contraintes budgétaires.

Certains diront que nous comparons des pommes et des oranges. C’est possible. Il reste que Mme Tait avait promis que les compressions ne se feraient pas au détriment des régions.

Elle n’a aussi jamais écarté l’idée d’annuler le versement de primes aux cadres. Celles-ci ont totalisé 16 millions $ en 2022, soit bien plus que le coût de diffusion d’un spectacle en direct du Congrès mondial acadien en Nouvelle-Écosse.

Tout est une question de choix. Or, les Acadiens représentent une cible facile, en raison de leur faible poids démocratique à l’échelle du pays et comparativement à celui des Québécois. Nous en avons été témoins plus d’une fois.

Le premier ministre Justin Trudeau a nommé en 2019 une lieutenante-gouverneure unilingue anglaise pour le Nouveau-Brunswick. La décision a été jugée inconstitutionnelle. Ottawa a choisi de porter la cause en appel. Quant à Brenda Murphy, elle est toujours bien en selle, près de cinq ans après sa nomination.

La semaine dernière, la motion du député libéral de Madawaska-Restigouche, René Arseneault, qui visait à rendre optionnel le serment d’allégeance au roi pour les députés, a été défaite. Le conseil des ministres a voté contre celle-ci. Des conservateurs ont ensuite ajouté l’insulte à l’injure en entonnant le God Save The King, une façon de remettre les Acadiens à leur place.

Nous trouvons bien silencieux les ministres Dominic LeBlanc et Ginette Petitpas Taylor dans les dossiers qui touchent le peuple acadien. Ils ont docilement suivi la ligne de parti et voté contre la motion sur le serment au roi. Ils n’ont pas non plus signé la lettre des députés fédéraux qui ont pressé la PDG de Radio-Canada d’accepter de diffuser le spectacle du 15 août.

La lieutenante-gouverneure unilingue, le serment au roi et la Fête nationale de l’Acadie: trois dossiers symboliques importants pour l’Acadie, mais aussi trois dossiers où les ministres acadiens sont restés les bras croisés.

Heureusement, nous n’acceptons pas toujours de tendre l’autre joue. Parfois, protester avec suffisamment de force permet de changer les choses. C’est la raison pour laquelle le spectacle du 15 août sera diffusé en direct de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse.

Le temps d’une soirée, la culture acadienne sera considérée comme incontournable au lieu d’être vue comme pouvant être balayée du revers de la main sans trop y réfléchir.

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