On découvre deux nouvelles œuvres fraîchement publiées signées par des autrices de l’Acadie invitées au Festival Frye. Tout d’abord l’essai féministe de Julie Gillet et ensuite un récit jeunesse sur la richesse de la langue de Danielle Loranger.

Le jour où j’ai arrêté d’être sage, Julie Gillet

«C’est pour une fille ou pour garçon?» se fait demander la narratrice par une vendeuse dans un magasin de jouets à la recherche d’un cadeau pour sa filleule. Encore aujourd’hui, ce genre de boutique est divisé en rayons genrés; le rose, la douceur et les poupées étant pour les filles, tandis que le noir, le rouge, le bleu et le jaune avec des jeux d’aventures et des superhéros sont pour les garçons. Bien que les femmes aient fait d’importantes avancées aux cours des dernières décennies, l’autrice démontre comment la construction sociale genrée peut avoir un impact sur leur vie d’adulte et leurs choix professionnels.

Avec cet essai féministe bien documenté, l’autrice invite les lecteurs à sortir des carcans et à atteindre la véritable égalité des genres, en faisant le récit de sa propre libération avec ses questionnements et ses doutes.

La journaliste, autrice et militante pour la justice sociale brosse un portrait peu flatteur de la société actuelle où tout est encore organisé autour des hommes. «D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu le sentiment diffus que quelque chose ne fonctionnait pas dans nos manières de penser et de vivre nos relations», commente l’autrice née dans les années 1980 en Belgique, une époque où les propos sexistes, racistes et homophobes étaient tolérés. Elle donne des exemples éloquents qui témoignent de ces inégalités, avec quelques chiffres à l’appui. Au Canada, en 2021, pour chaque dollar gagné par un homme, les femmes gagnaient en moyenne 0,89$. (Statistique Canada, 2022).

Avec une écriture fluide, l’autrice explique clairement le système hétérosexiste dans lequel nous évoluons. «En enfermant les un·es et les autres dans des stéréotypes de genre contraignants, nous réduisons leurs chances de devenir des adultes épanouis, et nous contribuons à maintenir les inégalités de genre dans notre société.»

Un récit de libération qui relate les combats féministes d’hier et d’aujourd’hui. Certains faits exposés dans cet essai lucide ont déjà été abordés par le passé, mais l’originalité de l’ouvrage est de présenter un portrait global avec des situations concrètes souvent puisées à partir de l’expérience personnelle de l’autrice. Il est question notamment de sexualité, de séduction, de vie professionnelle, d’agressions, de stéréotypes, de harcèlement, d’éducation des enfants, de partage des tâches, avec des références historiques étonnantes.

Elle traite aussi de la peur et de la violence dont sont victimes les femmes, les minorités de genre et les groupes marginalisés. Plusieurs d’entre vous se souviendront sûrement avoir tenu ses clés entre ses doigts dans son poing fermé pour marcher dans les rues la nuit. Julie Gillet nous rappelle que la peur fait partie du quotidien des femmes depuis longtemps. Celle-ci démontre aussi comme les villes ludiques et récréatives sont faites pour les hommes. Selon celle-ci, la culture du viol est le résultat «de croyances et d’attitudes profondément enracinées dans nos sociétés patriarcales, souvent transmises de manière inconsciente, comme dans le conte de La Belle et la Bête.»

Il y aurait encore plusieurs choses à dire sur cet ouvrage, mais je vous laisse le soin de le lire. L’autrice encourage les lecteur·rice·s à prendre la parole sur la place publique et à oser rêver à une société véritablement égalitaire. «Faisons-nous entendre et faisons entendre les voix de celleux qui n’en ont pas, partout tout le temps.» Si après avoir lu ce livre, vous ne saisissez toujours pas l’importance du combat féministe, je ne sais pas ce que ça vous prendra pour comprendre. C’est efficace, clair et limpide comme ouvrage. L’autrice a créé ce livre à partir de chroniques et de textes rédigés au fil des ans. Une lecture que j’estime nécessaire autant pour les femmes, les personnes non binaires que les hommes. L’autrice a adopté une écriture inclusive. Établie à Moncton, Julie Gillet qui vient de lancer son essai participe au Festival Frye. (Éditions Perce-Neige, 2024). ♥♥♥½

 

Sam Sixmoineaux, orthogaffeur, Danielle Loranger

Dans ce nouveau récit inventif, l’autrice offre un voyage à travers la richesse de la langue française. Samuel Simoneau, un jeune garçon, adore jouer avec la langue, jusqu’à même changer son nom pour Sam SiXmoineauX. Afin de surprendre et de jouer un tour à son enseignant, il a inventé 26 mots loufoques qu’il a glissés dans son devoir de français. Or Monsieur Bellehumeur qui est loin d’être impressionné lui retourne sa copie couverte d’encre rouge. L’élève a beau expliquer à son enseignant que ce ne sont pas des fautes d’orthographe, mais plutôt des fautes d’orthogaffe, son professeur n’apprécie pas la blague. Armé de ses crayons à mine, Samuel propose donc un nouvel abécédaire illustré avec des mots rigolos, le fictionnaire de Sam SiXmoineauX. On y retrouve, entre autres, le mot Youppir qui signifie un soupir bruyant donnant envie de sauter en poussant des cris de joie ou encore Ustencil, un ustensile qui sert à friser les cils. Les dessins de l’artiste qui accompagnent l’abécédaire sont magnifiques et très inspirants.

Danielle Loranger qui habite près de la mer entre Boudreau Office au Nouveau-Brunswick et Hillview à Terre-Neuve est autrice et illustratrice. Elle a publié, entre autres, Une étoile sur la dune et Un géant dans la tête. En plus d’animer une heure du conte au Festival Frye, elle présentera son nouveau livre dimanche à l’occasion d’un lancement collectif. (Éditions Bouton d’or Acadie, 2024). ♥♥♥½

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